Catherine Lemay
Ex-directrice nationale de la protection de la jeunesse
Catherine Lemay n'occupe plus le poste de Directrice nationale de la protection de la jeunesse depuis octobre 2024.
Changer le monde pour les enfants
En mars 2021, Catherine Lemay devenait la première directrice nationale de la protection de la jeunesse, fonction découlant des recommandations de la Commission spéciale sur les droits des enfants et de la protection de la jeunesse. En pleine pandémie, et dans un contexte où, à la fois la population, les intervenants et les instances politiques ont exprimé leurs attentes envers cette nouvelle fonction, la psychoéducatrice de formation savait bien qu’elle aurait de nombreux défis à relever. Douze mois plus tard, elle compare son travail à une course contre la montre.
« Je sais bien qu’encore beaucoup trop d’enfants sont en situation de vulnérabilité, nous confie-t-elle. Pour l’instant, le contexte nous permet de gérer les urgences en planifiant des changements en profondeur. Les attaques contre la protection de la jeunesse, c’est sûr qu’elles m’atteignent. C’est un secteur essentiel pour notre société. Quand ça va mal, je me dis que je suis au bon endroit pour apporter les changements. »
Petites satisfactions
Le contexte qu’elle évoque, c’est celui de la pandémie, des écoles fermées à plusieurs reprises, des pertes d’emploi de parents, la conciliation travail-famille-école à la maison, la réduction du réseau de soutien. C’est aussi celui du drame de la « fillette de Granby », décédée en avril 2019 à la suite de gestes et d’actions posés et qui ont été condamnés par la justice. Un drame qui a remis sur le devant de la scène plusieurs enjeux en lien avec la protection de la jeunesse. C’est enfin, en mai 2021, le dépôt du rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse qui a recommandé la création du poste de sous-ministre adjointe de la Direction générale du développement, du bien-être et de la protection de la jeunesse et de directrice nationale de la protection de la jeunesse, qu’occupe maintenant Mme Lemay.
« Je suis de nature impatiente et j’aimerais bien sûr que les dossiers avancent plus rapidement, admet la directrice. Mais il y a des choses qui vont bien et qui se sont améliorées depuis un an. Nous avons mis en place des modalités pour mieux soutenir les régions afin de réduire le nombre de jeunes en attente à l’étape évaluation-orientation. Ce n’est pas parfait, mais nous sommes sur la bonne voie. »
Elle ajoute que son service a travaillé de concert avec le milieu scolaire pour agir en amont de la protection de la jeunesse.
« La mise en œuvre du plan d’action sur les recommandations de la commission Laurent est lancé et les projets avancent, indique-t-elle. Le premier anniversaire du dépôt du rapport approche, ce sera un bon moment pour faire le point. »
Beaucoup de défis attendent encore, Catherine Lemay. Elle souhaite notamment œuvrer à continuer d’améliorer les conditions des gens qui travaillent en protection de la jeunesse et espère que, lorsque la pandémie sera derrière nous et que tout le personnel sera de nouveau en poste, la protection de la jeunesse attirera de nouveau les jeunes diplômés. « J’espère que les nouvelles primes accordées lors de la signature des dernières conventions collectives nous aideront à recruter dans le secteur. Il faut aussi développer tout ce qui est soutien, coaching, mentorat. C’est déjà dans les cartons. »
Apprendre de ceux qui ont le plus de besoins
Lorsqu’elle a entrepris ses études en psychoéducation, Catherine Lemay ne pensait pas qu’elle se retrouverait un jour au ministère de la Santé et des Services sociaux. Elle aspirait à être sur le terrain à tenter de changer le monde pour les enfants. De ses années de baccalauréat à l’Université de Montréal dans les années 1980, elle se souvient d’une formation très pratique et pragmatique et de professeurs – Michel Lemay, Gilles Gendreau, le père de la psychoéducation au Québec, ou encore son superviseur de stage Jacques Dionne – qui avaient la capacité d’expliquer simplement des concepts complexes et l’art de dédramatiser des situations.
« Par la suite, j’ai surtout travaillé en Centre jeunesse, sur le terrain, puis en tant que gestionnaire tout en complétant ma maîtrise en administration publique, à l’ENAP, raconte-t-elle. La psychoéducation, c’est un métier fascinant. Il nous oblige à tenir compte des forces et des défis de chacun, et de les utiliser comme leviers de changement pour relever les défis suivants afin que tous soient finalement capables de changer leur vie. On se rend vite compte que ce sont les jeunes les plus vulnérables qui nous en apprennent le plus. Pour rien au monde, je n’échangerais mon parcours contre un autre », conclut-elle.